DERRICK HODGE

Biographie de Derrick Hodge

"Derrick Hodge accumule les collaborations: Common, Q-tip, Kanye West, Timbaland et Mos Def pour le hip-hop, rien que ça. Pour le jazz, c'est notamment aux côtés d'artistes comme Robert Glasper, Mullgrew Miller et Terence Blanchard qu'il s'est fait les mains ; pas mal non plus ! A 34 ans, c'est avec un bon gros CV en poche que Hodge publiait le 6 août dernier son premier album en tant que leader, tout droit sorti chez Blue Note. L'homme marche vite, mais peut-être aussi un peu trop sur les traces du Black radio de Robert Glasper, soit un terrain aussi glissant que commercial. Ecoutons donc.

S'il a grandi avec le hip-hop, l'électro et le brassage musical en tout genre, Derrick ne cherche pas à dissimuler son passé. En effet, dès le premier titre "The Real", ses influences larges se font ressentir. Hodge nous livre un sorte de zouk électronique où des riffs de trompettes bourrées d'effets s'installent sur des nappes de synthé aux allures d'électro-chill, le tout sur quelques scratchs délicats pour soutenir la pulsation. Indéniablement, le bassiste cherche à brouiller les pistes. Il devient difficile de coller une étiquette à cette musique qui rassemble en elle une multitude d'idiomes empruntés.

Le nom de l'album est sans équivoque. Pour Hodge, et il n'est pas le seul, le mot d'ordre de sa génération est l'éclectisme. Vivre aujourd'hui, c'est s'ouvrir à plusieurs horizons, c'est se construire dans la diversité. Cette pluridisciplinarité de notre époque n'échappe pas à la musique, Hodge l'a bien compris et cherche avec cet album à se placer comme un prédicateur du genre. Avec Boro March il se rapproche du jazz fusion, dans Live today c'est au hip-hop qu'il se frotte, Holding onto you s'ouvre à la pop-folk miélleuse, Solitude au jazz dans l'esthétique du standard, Doxology aborde le gospel et l'écriture du quattuor à cordes.

Aouch! Ça semble faire beaucoup de choses pour un seul album qui pourrait être pris pour un exercice d'autosatisfaction d'un jazzeux gonflé à la testostérone. Et bien non, car pour un mec comme Hodge (dans la catégorie des musiciens qui envoient du paté), ce genre d'exercice fait partie de son apprentissage. En réalité c'est même une prise de risque de la part du bassiste, car sortir un premier album en tant que leader, de plus chez Blue Note, et se frotter à tous les genres, c'est aussi prendre le risque de passer pour celui qui n'a pas d'authenticité, d'entrer dans le club très peu fermé de ceux qui s'inspirent tellement des autres qu'ils ne sont rien. Seulement, lui, il a réussi. Hallelujah, Allah akbar, c'est comme tu veux. Cet album est une tuerie, et si la diversité des genres ne choque pas, c'est d'abord parce que Derrick Hodge est un musicien humble. Pas de chorus de basse de deux minutes avec deux mille notes, peu de mises en place copieuses, des lignes de basses épurées, un slap délicat qui embellie la rythmique et non l'ego. Hodge entame sa carrière de leader avec un maturité déconcertante. Pilier principal des fondations, omniprésent mais discret, il est maître du rythme et des couleurs harmoniques. Sa basse ronronne dans les graves, sa sonorité ronde nous réconforte.
Le son, voilà l'autre clé pour réussir à réunir tant de styles différents sans perdre l'originalité d'un album. Live Today allie le son bleu et rond du jazz aux sons ultra compressés du hip-hop et de l'électro actuels. Le studio est utilisé en tant qu'instrument, chose assez rare dans le jazz. Hodge se révèle donc aussi en tant qu'esthète. Le travail de meneur d'une formation de jazz réside principalement dans le choix des musiciens, l'histoire nous l'a déjà montré. Ici on le remarque notamment dans le jeu du batteur Mark Colenburg dont les grooves modernes se marient parfaitement avec les sonorités vaporeuses et liquides du mixage de l'album. Pourtant, ce genre de tournes de batterie à la Chris Dave saoule vite, car elles sont trop souvent auto-centrées sur l'instrument en question. Mais quand les compositions s'y prêtent et que les tournes sont insérées plus en tant qu'esthétiques qu'en tant que prouesses techniques, le résultat en devient au contraire exaltant, Message of Hope en est l'exemple parfait.

C'est un torrent d'électricité qui nous transporte, un son translucide qui nous apaise et nous transcende. C'est une musique, ou plutôt des musiques, soudées par une fraîcheur qui rappelle un peu les ambiances du hip-hop d'aujourd'hui. Derrick Hodge s'est affirmé avec cet album en tant qu'excellent compositeur, esthète fin et musicien mature. Un coup de maître qui pourtant sera vite oublié tant la production de jazz d'aujourd'hui est proliférante. Mais bon, profitons en tant qu'il en est temps, écoutons le en attendant le prochain opus. Les fans de Derrick Hodge pourront le retrouver prochainement sur Black Radio 2 de Robert Glasper, qui à mon avis, comme pour la plupart des remakes, risque d'être une merde sans nom. Un premier titre en preview nous en donne un bon aperçu."

(source : swqw.fr)

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